Homélie dimanche 27 septembre 2020 — Fraternités de Jérusalem - Abbaye du Mont-Saint-Michel

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Homélie dimanche 27 septembre 2020

Homélie dominicale - Mgr Laurent Le Boulc’h, évêque de Coutances et Avranches
27 septembre 2020

Frères et sœurs, nous le savons bien, les êtres humains sont des êtres de contradictions. La contradiction fait partie de notre condition humaine. Chacun de nous peut reconnaître celles qui l’habitent. Il y a en nous parfois de grands écarts entre nos aspirations les plus profondes et nos pratiques quotidiennes, entre notre idéal et nos manières de vivre, entre les différents visages que nous portons selon les circonstances, entre nos paroles et nos actes. Saint Paul lui-même le confessait aux chrétiens de Rome : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm 7,19).

Ces contradictions nous ramènent à notre condition d’homme. Elles sont le signe que nous ne sommes pas Dieu. Nous sommes marqués par des limites qui nous empêchent de vivre dans la perfection. Dans ce sens, accepter les contradictions qui nous habitent peut nous ramener à une saine et sainte humilité.

Cependant, frères et sœurs, il peut arriver aussi que les contradictions que nous portons soient la marque de notre péché. C’est le cas quand des hommes jouent consciemment et volontairement avec elles, quand ils s’enferment avec cynisme dans les mensonges, les manipulations, les contre-vérités ou les promesses non tenues. Ce fléau aujourd’hui pollue trop souvent nos vies collectives. En célébrant ce dimanche la 106ème journée mondiale du migrant et du réfugié, l’Église porte dans sa prière ces hommes et ces femmes qui fuient la misère et la guerre et qui, si souvent, sont les victimes de trop d’hypocrisie.

Chacun de nous ce matin peut discerner, éclairé par l’archange Michel, ce qu’il en est de ses contradictions dans sa vie. Sont-elles le signe de ses limites ou sont-elles la marque du mal en lui ?

Dans l’évangile, Jésus pointe, lui aussi, une différence d’appréciation entre les deux fils de la parabole. Tous deux qui se sont contredits. Aucun d’eux n’a su tenir parole. L’un et l’autre sont revenus sur leurs décisions. De ce point de vue, ces deux fils sont fautifs.

Et cependant, dit l’évangile, le second des fils est bien plus coupable que le premier. Car, le premier des fils a fini par obéir à son père.  Sa parole avait d’abord dit non, mais son geste a ensuite dit oui. Frères et sœurs, au bout du compte, entre les mots et les actes, ce sont bien les actes qui attestent de notre fidélité et de notre vérité. C’est pourquoi nous sommes et serons jugés sur nos actes plus que sur nos paroles.

Dans ce premier fils, qui d’abord avait dit non et qui a fini par se repentir en faisant la volonté du Père, Jésus reconnaît tous les petits et les pécheurs, publicains et prostituées qui, après avoir refusé d’obéir à la Loi de Dieu, se sont ouverts à sa Parole de Salut.

Dans le second fils de la parabole qui, bien qu’il ait dit oui à la Parole du Maître n’est jamais allé au travail de la vigne, Jésus reconnaît les grands prêtres et les anciens qui refusent d’écouter sa Parole. Tous font œuvre de contradiction et, cependant, les premiers sont sauvés et les autres condamnés.

Cette parabole nous donne à espérer dans la grâce de la conversion. Celle-ci peut survenir à tout moment de la vie. On peut longtemps dire non à l’Évangile de Jésus et finir par le mettre en pratique au soir de sa vie. Il arrive que nous soyons les témoins de conversions magnifiques sur le tard de l’existence. J’ai le souvenir d’un dialogue bouleversant avec un homme qui était en fin de vie sur son lit d’hôpital. Après avoir longtemps résisté, cet homme a fini par plonger dans l’évangile du fils prodigue, inondé de larmes de miséricorde. A l’inverse, il se peut que nous pensions dire oui depuis longtemps à la Parole de Dieu, alors que nos manières concrètes de vivre n’ont pas encore été véritablement transformées par elle. Au terme de l’histoire, le Seigneur nous jugera sur cette transformation concrète de nos vies par la foi, l’espérance et, par-dessus tout, la charité du Christ. Puisse l’Archange Michel, quand il soupèsera nos âmes, les voir s’illuminer de la justice et de la miséricorde de Dieu ! 

Frères et sœurs, nos vies sont remplies de mille contradictions. Et cependant, il y a en nous une aspiration profonde à tendre vers l’unification de nos vies. Cette soif est présente en tout être humain. Elle demeure en chaque personne, même si elle est parfois profondément refoulée et enfouie. Cette aspiration à l’unité explique pourquoi tant d’hommes et de femmes aujourd’hui attendent des autres, et notamment de leurs responsables, le témoignage exigeant d’une cohérence dans leur vie.

Baptisés, nous reconnaissons dans cette aspiration un fruit de l’Esprit Saint. Nous ne la refusons pas. Nous la laissons éclore en nous, même si nous savons bien que nous ne pourrons pas éliminer toutes les contradictions de nos vies. Nous avons nos limites et le péché sévit toujours en nous ; et pourtant nous désirons toujours progresser dans la voie de l’unification.

Saint Paul, dans la lettre aux Philippiens, nous encourage et nous indique le chemin : « Pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments ; recherchez l’unité. Ayez-en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus ».

Frères et sœurs, la clef de la cohérence de nos vies, c’est le Christ Jésus. Jésus est la seule personne qui ne connaisse aucune contradiction dans son existence. Il n’y a en lui pas l’ombre d’un écart entre ses mots et ses actes. Dans les évangiles, les foules sont impressionnées par cette fidélité sans limites, par la constance irréversible de son amour sauveur. 

Cette formidable unité d’engagement du Christ se fonde sur une unité plus mystérieuse et profonde encore. Elle est le signe de l’alliance unique qui en Lui unit la divinité et de l’humanité au point qu’en Jésus rien de son humanité ne contredit Dieu, et rien de sa divinité ne porte atteinte à son humanité.

Frères et sœurs, progresser sur le chemin de l’unification de nos vies, c’est nous laisser habiter et transformer par le Christ Jésus. Laisser l’Évangile et la présence de Jésus dans l’Esprit Saint convertir peu à peu tous les différents aspects de nos vies : nos pensées, notre prière, nos paroles, nos engagements et nos actions. Nous sommes invités à nous ressourcer continuellement en Jésus pour puiser en lui une nouvelle cohérence dans nos vies. Prenant appui sur sa miséricorde, nous continuons d’avancer sur le chemin de l’unification de nos vies malgré nos limites et nos péchés.

Cette voie, c’est aussi celle de l’Église appelée à l’unité. L’Église est appelée à trouver sans cesse dans la Parole de Dieu et la présence sacramentelle du Ressuscité en elle, le courage de témoigner de la cohérence évangélique, en unifiant ses mots et ses actes, en conjuguant ses appels à la conversion pour le monde et au dedans d’elle-même, en étant un don de communion pour les disciples.

Frères et sœurs, en fêtant ce matin l’archange saint Michel sur le Mont nous rendons grâce. Dans cette belle abbatiale, portés par la liturgie monastique des communautés de Jérusalem, nous louons le Seigneur pour la présence silencieuse et mystérieuse des anges qui accompagnent l’humanité et l’Église sur le chemin de l’unification dans l’Amour reçu du Christ.

Nous prions aussi à l’intercession de saint Michel. Que l’ange intercède auprès de Dieu pour, qu’au-delà des leurs multiples refus et résistances, les hommes et les femmes, fusse au terme de leurs existences, entrent dans la conversion de l’Evangile. Qu’ils entrent dans la joie promise à tous ceux et celles qui mettent en pratique la volonté de justice, de miséricorde et de paix du Père.

Nous confions ici à la prière de saint Michel tous les pèlerins qui cheminent en grand nombre vers le Mont saint Michel et aussi, en cette journée mondiale du migrant et du réfugié, tous les exilés. Qu’il soit donné à tous ces hommes et ces femmes en marche de croiser d’authentiques témoins de la charité évangélique et qu’alors, « au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père ».

Amen.

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